« Elenit » ou les monstres humains d’Euripides Laskaris au FTA
Un lever de rideau qui prend la forme d’attaques stroboscopiques. Puis, une drag queen baroque au grand nez déclame des extraits d’un livre dans une langue obscure. Elle est déplacée sur roulettes, éclairée par deux projecteurs de poursuite (follow spots) opérés par de visibles opérateurs sur scène. Sortira bientôt de la crinoline asymétrique de la lectrice un premier personnage qui viendra surprendre. Voilà le début d’« Elenit », pièce de théâtre à grand déploiement du chorégraphe et metteur en scène grec Euripides Laskaridis, de retour au Festival TransAmériques (FTA) avec cette coproduction internationale.
Comptant une dizaine d’interprètes, « Elenit » galvanise la scène avec ses personnages loufoques, dont une espèce de babouchka qui se lamente, une narcoleptique adolescente à tresses, une pleurnicharde boniche à moustache perpétuellement dans tous ses états, un trapu tyran armé et un DJ/percusionniste/bruiteur (le musicien Giorgos Poulios, qui signe d’ailleurs la musique et le son de cette proposition décalée).
Un deutéragoniste burlesque sur talons hauts, sorte de monstre préhistorique, viendra tétaniser l’assemblée de ses pas lourds et de son improbable chant d’opéra.
Des jeux de pouvoir s’immisceront entre les bouffons, des craintes et des dédoublements, créant de mordants tableaux caustiques.
Nous baignons dans un imaginaire onirique, parfois tendre, hurlant ou violent, qui défie l’entendement et la logique. Les affrontements et la déchéance seront bien sûr inévitables.
Avec ses clowns tonitruants, Euripides Laskaridis réussit à révéler l’homme en évolution et la philanthropie.
« C’est cette nature humaine qui me fascine, son étrangeté, ses immenses pouvoirs et sa fragilité ; on voudrait agir de la meilleure façon possible et pourtant, nous sommes condamnés à nous heurter à nos innombrables limites. C’est notre sort et c’est très ironique... », a-t-il dit à propos la pièce.
Il s’agit de la troisième partie d’une trilogie dans laquelle on garde en vue le thème de l’environnement, notamment grâce à une éolienne qui tourne de façon continue pendant le spectacle et l’usage de nombreux objets récupérés. On utilise des accessoires comme des panneaux de tôle métalliques, une fontaine-téléphone, des cylindres de fibre de verre (qui deviennent des colonnes grecques)...
La protagoniste prend également l’aspect d’un bonze, sorte de gourou bouddhiste qui s’enveloppe de lumières laser, également entouré de cerceaux lumineux dont il dispose à son gré, mais la satire n’est jamais loin.
La folie contagieuse d’« Elenit » se poursuit au FTA jusqu’au samedi 5 juin. La dernière de la sulfureuse pièce aura lieu à 15 h au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts.