Nous sommes une nation de coureurs des bois
Pour la rentrée de janvier, TV5 a changé certaines émissions de sa programmation, particulièrement les émissions de début de soirée. Exit le voyeurisme insupportable et quotidien de Ça se discute, donc. Le jeudi, les téléspectateurs de la chaîne francophone ont droit à la pétillante Julie Andrieu dans Fourchette et sac à dos, ce « rendez-vous est l’occasion de partir en voyage à la découverte d’un pays, de son histoire et des habitudes alimentaires de ses populations. À chaque épisode, la critique gastronomique dépose ses valises quelques jours chez une famille typique du pays et vit au coeur des traditions culinaires ! Une odyssée gourmande remplie de surprises, de rencontres, d’anecdotes et de recettes », précise le site Web de TV5 Canada.
Après le Brésil et la Turquie, c’est le Québec qui a eu droit à la visite de l’équipe de tournage de Fourchette et sac à dos. « Entre pêcheurs de l’estuaire du Saint-Laurent, cueilleurs des bois de la campagne de Montréal et indiens Abénakis, Julie profite de son séjour plein de rebondissements pour faire découvrir au téléspectateur les particularités des différentes traditions culinaires que l’on trouve au Québec... », dixit la présentation de l’émission sur le Québec.
Bon, avouons-le, Julie Andrieu nous agace. Maniérée, poussant des petits cris de blonde nunuche à tout bout de champ. Dans un épisode précédent de la série, la jeune femme s’extasiait au Maroc. Parce qu’elle s’extasie toujours, la Julie, avec ses « Oulala ! J’oserai jamais ! »
Premier segment de l’émission, Julie part en canot-camping avec Odile Dumais, nutritionniste et spécialiste de la « gastronomie en plein air », qui en a surtout profité pour ploguer ses produits Outdoor Gourmet Plein Air, des plats lyophilisés auxquels il suffit d’ajouter de l’eau. Deuxième segment, Julie visite un élevage porcin biologique, sous la pluie battante (dommage pour les belles images de Charlevoix !). L’agaçante animatrice fera l’émerveillée en préparant un ragoût de pattes de cochon avec l’épouse du fermier. Le matin, on retrouve la blonde maigrichonne dans un B&B de l’île d’Orléans s’égosillant devant un déjeuner (« Ah vous dites déjeuner le matin, comme c’est amusant ! ») gargantuesque, fèves au lard et cretons compris. On a droit ensuite au poissonnier Jos Paquet, qui pêche et qui fume l’esturgeon à St-Pierre de l’île d’Orléans.
Jusqu’ici, tout va bien ou presque. Là où ça se corse, c’est quand Julie récolte des fleurs avec François Brouillard, des Jardins sauvages de St-Roch de l’Achigan, que l’animatrice appelle « coureur des bois ». Et François Brouillard de lui faire croire qu’il y a des plantes carnivores au bout du champ. On a droit, ensuite, à une visite de cabane à sucre... en plein été... Les propriétaires, père et fils, portent fièrement barbe et ceinture fléchée. Ils lui font avaler des œufs dans le sirop d’érable et de la tire sur de la neige sortie droit du frigo. L’émission se termine à Wôlinak, réserve abénaquise du Centre-du-Québec, dans la famille Obonsawin qui dresse un tipi dans son jardin. Julie apprend à y faire de la bannique, un pain autochtone... « C’est comme de la pâte à pizza », pépie l’animatrice...
Alors, voici ce à quoi se résume la gastronomie québécoise : de la nourriture sèche pour le camping, du ragoût de pattes de cochon avec des pétaques, de la bouffe de cabane à sucre et des clichés sur les Amérindiens... C’est ça les familles typiques du pays et leurs traditions culinaires ! Sans compter que Montréal, Québec ou quelque autre ville québécoise n’existent pas. Nous sommes un pays de coureurs des bois, d’Indiens qui vivent encore dans des tipis et de pêcheurs au gros accent. Misère...
