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    [Opinion]

    Le Web est alzheimer (et un peu bling-bling)

    6 février 2011, 11h15
         |      Article rédigé par Jean Paul Thomin     

    Cette année le Web atteint les 20 ans. Bonne occasion de tenter une sorte de bilan informel pour une créature aussi vaste et dont la nature même amène chacune de ses parcelles à s’animer d’une évolution constante. La question de la mémoire du Web interpelle d’entrée. Parce que sans conscience de son histoire personnelle, aucune créature, aucune organisation ne peut progresser. Aussi parce que cette année de vieux thèmes cent fois rabâchés sur le Web refont une petite tournée ; comme la confidentialité sur les plateformes numériques, la pérennité de l’information, l’absence de contenus numériques québécois, etc.

    Ces sujets ont vu leur épilogue il y a belle lurette mais le Web cultive la perte de mémoire avec voracité. Avide de passer d’un éblouissement à l’autre, une frange de la communauté Web garde le cap sur un futur toujours à définir grâce au recyclage de vieux thèmes sous forme de questions brûlantes d’actualité. L’exercice relègue les réponses déjà obtenues dans un oubli virtuel qui bouffe la réalité plus vite que les Langoliers de M. King.

    Il faut dire qu’une bonne part d’entre nous entretenons une passion ambigüe pour l’aujourd’hui et l’après-demain : l’idéal tentateur c’est d’avoir le bénéfice et l’excitation d’émettre immédiatement un concept hot qui se validerait dans un délai suffisamment lointain pour qu’on ait le temps de l’oublier demain au profit d’un autre.
    Cette habitude, mettons une coquetterie un peu psychotique, permet de se poser une petite question : quelle est la capacité du Web au bilan ? À l’auto-analyse et à l’auto-critique ?

    Revenons par exemple à un des sujets du début ; la confidentialité sur les plateformes numériques. Concrètement il n’y en a pas. Et il n’y en a jamais eu. N’importe quel bon avocat vous dira que votre contrat signé vaut ce que vous être prêt à investir en Cour pour le défendre. Or après l’éclatement de la bulle Internet en 2001, plusieurs procès de faillite aux États-Unis se sont tenus et ont révélés que les sites et portails, malgré leurs engagements de confidentialités, avaient sans vergogne cédés les listes de noms et d’adresses emails de leurs membres à des spammeurs pour rembourser leurs créanciers. Aucun de ces sites n’a été poursuivi pour bris de promesse. Et les garanties actuelles de confidentialité ne valent que dans la mesure où une condamnation légale en bonne et dû forme viendrait couronner une poursuite qu’un brave aurait le courage et les moyens d’entreprendre. D’autre part, souhaitons-nous cette confidentialité ? La partie angélique de nous-mêmes, celle qui se manifeste sur les blogues peut-être. Mais nous vendons à nos clients exactement l’inverse : une capacité de pénétration du Web dans l’intimité du consommateur potentiel sans commune mesure avec ce que peuvent révéler du citoyen lambda les moyens publicitaires traditionnels. Est-ce que nous accepterions un code d’éthique opérationnel et obligatoire pour les entreprises multimédia qui opèrent dans le très vaste champ du e-marketing ? Sommes-nous prêts à limiter par exemple la traçabilité des cookies ? Bref, souhaitons-nous agir au chapitre de la confidentialité ou préférons-nous ramener la question décorative dans un an en faisant comme si nous n’étions pas nous-même la réponse ?

    J’aurais souhaité inclure les hyper-liens menant aux procès-verbaux des faillites mentionnées plus haut. Mais les sites qui les répertoriaient sont disparus. Comme des tonnes d’informations confiées au numérique. Et nous voici dans l’une des plus grandes équivoques de l’Internet : la pérennité de l’information. Pour préserver un livre pour 500 ans, il suffisait jadis d’un papier solide et d’un endroit sûr. Pour préserver nos données personnelles ou corporatives durant le même laps de temps, il nous faudrait minimalement une capacité égale à payer mensuellement la préservation de ce contenu dans un lieu virtuel, avec une capacité informatique à faire évoluer un ordinateur d’une durée équivalente, et une capacité d’accès au Web toute aussi permanente assurée par une capacité de survie de 500 ans de l’entreprise possédant des serveurs évidemment capables de subir des upgrade durant la même période de temps : 500 ans. Aujourd’hui, combien de temps dure en moyenne un téléphone cellulaire avant qu’on soit obligé de le changer pour une raison ou un autre ?

    Oui, le Net possède une capacité infinie à stocker l’information, qui va de pair avec une capacité toute aussi infinie à perdre cette information. Mais que diable voulez-vous qu’il arrive demandera t’on ? Je ne sais pas M. Ismay

    Un iceberg numérique genre ?

    Est-ce qu’il existe des plans de contingence numérique pour préserver l’information durant des siècles ? Plus simplement encore : sommes-nous en mesure de garantir à une entreprise ou un individu la préservation de ses mémoires numériques pour une période allant au-delà de quelques années ? La galerie de photos familiale sur Flickr a une espérance moyenne de vie de combien ? Et si la toute puissante machine du Web a un problème élémentaire comme celui de la mémoire, comme de se rappeler de ce qui s’est fait il y a 10 ans, ou de prendre conscience par l’analyse, des limites d’un concept ou d’un état de fait, que peut-elle apporter de bénéfique à une société et si on parle du Québec et surtout de Montréal, d’une société qui souffre ?

    Nous sommes toujours anxieux de voir à répétition le Web ou une de ses créatures promettre de modifier le futur à notre convenance mais le problème reste que nous avons derrière nous après 20 ans, quelques futurs antérieurs accumulés. Dont l’examen peut s’avérer très profitable. Ne serait-ce que pour éviter les redites, identifier les repères sûrs, démontrer à nos honorables clients que nous savons ce que nous faisons. Au fait, quelle organisation y a t’il pour faire un bilan ? Qui se préoccupe d’arrêter la machine pour regarder en arrière, faire le point et déblayer un peu le paysage pour mieux repartir en avant ?

    Le 2.0 se trouve déjà en train de laisser la place du tout nouveau tout beau au mobile, au 3.0 ou à la nanotechnologie. Et malgré les plus généreuses intentions du monde, quel héritage concret livre le 2.0 ? Sommes-nous vraiment des créatures collectives ? Souhaitons-nous gérer nos entreprises en communautés ? Les flash mob influencent-ils le taux de pauvreté ? L’Iran va t’il mieux ? Est-ce que Neda Soltani est morte des millions de fois sur Twitter et Facebook en sachant que son dernier souffle répercuté poussait les ayatollahs au bord du gouffre ?

    Côté affaires, croyons-nous vraiment qu’un client doit nous ouvrir son âme pour qu’on lui vende du matériel, un concept ou un logiciel ?

    En échange de quels avantages ? Pour que ses besoins soient considérés ? Pour que l’on communique avec lui avec empathie ? C’est bien la moindre des choses. Au temps d’Abraham à Ur, il y a 5 000 ans, ça s’appelait déjà l’art de la vente et le but était et reste toujours, de sortir de l’argent de votre bourse au profit du marchand. Et si le but ne change pas, les règles du jeu non plus : on prend logiquement soin de notre client, pour qu’il nous achète, point à la ligne. Le reste du discours décore. L’été dernier la BBC affichait un reportage sur un médecin dont la puce implantée avait attrapée un virus informatique : http://www.bbc.co.uk/news/10158517.

    On peut imaginer les titres dans 3 ou 4 ans après la commercialisation de ce genre de puces : ‘’Understand your customer’s needs through his DNA’’ ou autre ‘’The knowledgeable sale’s pitch : ask your customer’s DNA’’

    Un problème de ces concepts demeure leur capacité à sortir de l’exemple unique pour devenir une solution applicable de manière générale. Appliqués à une feuille de la branche, ils paraissent séduisants. À l’échelle de la forêt, ils s’avèrent inutilisables. Et on peut comprendre une entreprise d’être sceptique face à un monde numérique qui livre les concepts littéralement en pluie et renouvelle son discours, avec éloquence, presque chaque semaine : http://www.clickz.com.

    Les PME n’ont pas les moyens de trier dans cette masse d’idées le pertinent de l’inutile et encore moins de refaire leur planification 4 fois par mois.

    La relation de l’univers numérique avec le réalisme pêche donc souvent par manque de constance. Et sa relation avec la réalité tout court peut rendre perplexe. Un excellent exemple ? Les contenus québécois sur le Web. Le sujet n’est pas seulement pertinent, il est crucial. Et préoccupe légitimement beaucoup d’intervenants. Justement, en octobre le nouveau Fonds des medias du Canada (FMC) remettait ses réponses aux demandes de fonds effectuées dans le cadre de son volet expérimental. Le FMC est tout seul dans le champ du financement de la culture numérique. On parle donc d’un évènement d’une grande importance. Et on s’attend à ce que tout ce qui existe comme blogue, rt et autres hastags y fasse écho. Mais Niet. Le 2.0 notamment, avait ce jour-là autre chose sur le radar sans commune mesure avec l’essentiel ; genre, le sort de la culture au Québec. Ce n’était peut-être pas le bon moment pour discuter de la chose mais la réalité n’est pas aussi souple et modulable que l’univers numérique. Quand le calendrier du 2.0 ou un autre évènement ramène un mois plus tard la question du contenu Web québécois sur le tapis il est trop tard pour réagir. La encore une question se pose. Quand nous nous préoccupons de la culture québécoise sur le Web est-ce parce que le hype du moment nous y amène, avant de passer au prochain podcamp à un autre sujet, ou parce qu’un intérêt sincère nous anime pour l’avenir du Québec ? Le Web guide un univers numérique qui évolue et progresse à toute vitesse et ce phénomène au jour le jour nourrit à juste titre une réelle excitation. Le Québec ? Le Québec en macadam et en fax lui, n’avance vraiment mais vraiment pas vite et mettons qu’il est tentant de s’en déconnecter. Alors quels efforts concrets sommes-nous prêts à consentir pour transférer nos idéaux virtuels à notre environnement réel ?

    Les problèmes technologiques ne sont pas vraiment la limite à la poussée du Web et à son utilité. Notre manière de percevoir notre travail et notre capacité à définir nos échecs comme nos réussites est davantage en cause. Plus souvent qu’autrement nous sommes la question et la réponse. Vint ans c’est l’arrivée dans le monde adulte. L’âge où l’on assume, et où l’on utilise sa mémoire pour trier ce qui fonctionne de ce qui ne fonctionne pas et où l’on se sert du résultat pour repartir vers l’avant. Exister comme industrie se mesure davantage qu’en chiffres d’emplois créés, de revenus globaux et de profits d’entreprises. Ça veut dire aussi s’intégrer à la vie de l’ensemble. Le Web n’est pas seulement indispensable, il sert de fer de lance à la société que le Québec veut (ou ne veut pas) être. Alors collectivement que voulons-nous gens du Web ? Comment souhaitons-nous exister au Québec et quel genre de Québec voulons-nous ? Quelles sont nos valeurs ? Qu’est-ce qui prime ? Souhaitons-nous une société technologiquement avancée ou une société juste ? Un environnement social économiquement plus riche à cause du multimédia ou équitable ? 2.0 ou francophone ? Pour progresser, pour voir leur valeur reconnue par tout le Québec, le Web d’ici et ses artisans ont besoin d’identifier leurs racines, de reconnaître leur parcours et leurs acquis, et de définir leur vision. Quoi, comment et surtout pourquoi. Comme disait l’immense sage abitibien ‘’Toute est au boutte’’. Pourvu qu’on en sorte.

     Jean Paul Thomin


    Un pionnier du multimedia au Québec, Jean Paul Thomin a créé entre 1995 et 1999 les premières fictions Web en français et le premier film produit spécifiquement pour le Web ; ‘’Ombres et Tango’’ . Il observe l’évolution stratégique et économique du numérique depuis 1993, en particulier au niveau des contenus, et tient une page Facebook dédiée aux problématiques de la monétisation des contenus : Jean Paul Thomin : L’argent du Web

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