Le Fonds des médias du Canada : une analyse à chaud de Jean-Paul Thomin
Il faudra attendre les principes directeurs et que la poussière retombe avant d’avoir une vue globale et définitive sur l’annonce faite vendredi matin par Patrimoine canadien sur son nouveau Fonds des médias qui dispose d’ailleurs d’un site Web tout neuf :
www.cmf-fmc.ca. Mais déjà, quelques constats s’imposent.
Premièrement, rendons à César ce qui lui revient, Téléfilm Canada a toujours reconnu l’importance du multimédia et tenté de soutenir l’industrie.
Deuxièmement, la nouvelle direction que prend le Fonds obligera les producteurs télé et multimédia à se rapprocher, ce qui ne peut qu’être une bonne chose. Aux États-Unis, les producteurs de la télé, du multimédia et du cinéma ont établi des ponts entre les différents segments industriels dès les débuts du Web public et cette volonté de collaboration a porté ses fruits.
Enfin, et ce n’est pas la moindre des constatations, le libellé complet de la présentation de ce matin associe ensemble et de manière à peu près égale Web, multimédia et télévision. En termes de reconnaissance, voilà une première tout à fait significative pour le milieu des producteurs multimédia. Et si le RPM y est pour quelque chose, il mérite un grand coup de chapeau. L’importance économique du Web se voit consacrée et désormais, dans le nouvel ordre des choses, les producteurs télé ont autant besoin des producteurs oeuvrant sur le Web que le contraire ; créant un nouveau rapport de force prometteur pour le milieu du multimédia.
Rien n’est parfait cependant et l’urgence du contexte actuel, en ce qui concerne particulièrement la Web télé, aurait certainement profité que le nouveau Fonds se commette davantage en faveur de la vidéo en ligne. A juste titre, l’organisme craint que la Web télé ne permette aux producteurs de la télévision d’envahir le Web et de s’accaparer les fonds au détriment des artisans du multimédia. Cependant, l’urgence économique autant que culturelle consiste à trouver une manière d’empêcher les publics du Canada et du Québec de fuir la télévision nationale pour se perdre hors de nos frontières Internet en émigrant virtuellement sur des contenus et des capacités commerciales dont le .com ou le .tv, pour être valable, n’a rien qui contribue à nos sociétés.
Et faut-il le rappeler encore après 15 ans, le Web n’est pas et ne sera jamais axé sur l’interactivité et si le libellé de l’annonce met encore une fois la table pour le jeu, il oblige les autres créateurs du multimédia à se creuser sérieusement les méninges pour trouver une formule qui satisfasse les dirigeants de Téléfilm et qui veuille dire quelque chose pour nos publics.
Les années 90 et les centaines d’efforts produits un peu partout en matière d’Interactive Story Telling ont démontré jusqu’à l’absurde que pour Jos Public, un contenu interactif intéressant s’appelle un jeu. Et si ce n’est ni un jeu, ni une fiction ou un magazine, que peut être un contenu interactif le moindrement signifiant ?
Bref, l’annonce de vendredi ne règle certainement rien mais le milieu du multimédia vient au moins de recevoir pour la première fois une reconnaissance dont il avait grand besoin et qui n’est pas que décorative mais qui s’ancre au contraire solidement dans la réalité économique.
Jean-Paul Thomin suit l’évolution des contenus sur le web depuis 1993. Il a lui-même participé de près à la création des premiers contenus de fiction Web francophones au cours des années 90 et a produit le premier film long métrage réalisé pour le Web, Ombres et Tango, au tournant des années 2000. Depuis une douzaine d’années, il analyse l’économie des contenus sur Internet et oeuvre dans la mise en marché sur les plateformes numériques.
